Depuis le début du XIXe siècle, l’idée selon laquelle la mise en collection conduit à la défonctionnalisation et à la silenciation des objets constitue un motif fondateur de la critique institutionnelle du musée. Réactivée depuis une trentaine d’années dans le sillage des discussions sur le devenir des objets d’Afrique, d’Océanie ou des Amériques dans les musées occidentaux, cette tension trouve une résonance particulière dans le cas des instruments de musique dont la perception de la valeur est étroitement liée à leur fonctionnalité sonore — souvent compromise par leur patrimonialisation. 

Cette communication reviendra sur la manière dont un nombre croissant d’artistes contemporain·es et de communautés de provenance interrogent et travaillent avec le silence de l’objet patrimonial, et en particulier celui de l’instrument de musique, en cherchant à en réactiver ou à en révéler la vie sonore au musée. Ces expériences participent de l’idée que le son constitue une part essentielle du caractère « mutant » des objets — au sens que lui donne le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne : leur dimension agissante et leur perpétuelle transformation –, en soulignant la nécessité d’imaginer des formes et des lieux de préservation plus souples et vivants.