Focus sur l'œuvre
Il faut souffrir pour être beau…
Je suis haut de 38 cm et ma panse est large. Je n’ai qu’un pied, stable heureusement. Mon col est étroit mais vous pouvez découvrir mon intérieur rose-orangé, coquet, n’est-ce pas ? Mais, ce n’est pas la seule couleur qui m’habille ! Regardez mes atours, de douces nuées bleutées ponctuent un paysage crépusculaire où deux silhouettes noires se saluent, tranquillement.
Jacques Gruber, le jeune artiste qui m’a créé, est un grand romantique doté d’une belle culture classique. Inspiré par les opéras de Wagner, il choisit pour moi la légende médiévale de Tristan et Yseult : la rencontre des deux amants à la tombée de la nuit et la naissance de leur amour… Il m’a fait tel un vase grec à figures noires sur fond rouge.
Si vous saviez toutes les épreuves que j’ai traversées pour ce résultat ! De sable en fusion, soufflé et roulé dans des pigments colorés, je suis enveloppé de trois couches de verres colorées. Enfermé ensuite pendant plusieurs jours pour retrouver une température décente, j’apparais ainsi refroidi, à la lumière du jour : rose-orangé en mon cœur mais entièrement noir à l’extérieur. Recouvert d’une pâte noire, épaisse et très odorante – du bitume de Judée – je suis plongé, plusieurs fois, dans des bains d’acide fluorhydrique afin de faire ressortir mes couleurs… Oui mesdames, messieurs, plusieurs fois ! Nettoyé, à fleur de peau, je commence à prendre apparence humaine et à recouvrer mes esprits, quand je suis pris en main par le graveur ! Ce dernier me promène, certes habilement mais rapidement, sur un diamant qui cisèle ma peau de toute part. J’ai eu tellement peur d’éclater en mille morceaux !
Frotté et poli, unique en mon genre, je suis enfin prêt pour mon public. Je fais partie des pièces d’exception de la manufacture Daum, présentées dans les grands salons et les expositions internationales. Je suis exposé et très remarqué… à celle de Bruxelles en 1897 !