Bien que son histoire soit aujourd’hui méconnue des nancéiennes et des nancéiens, toutefois le sergent Blandan ne leur est pas totalement étranger : il a donné son nom à une rue et à une caserne. Visible dans l’espace public nancéien, il est aussi une figure représentée en gloire sur le monument au sergent Blandan, à proximité du campus ARTEM. Commandé au sculpteur Charles Gauthier en 1887 à Boufarik (Algérie), ce monument a été rapatrié à Nancy, au lendemain de l’indépendance algérienne, en 1963. Installé dans la cour de l’actuelle caserne Thiry jusqu’en 1990, il fut ensuite déplacé là où il se trouve aujourd’hui. Ainsi, l’histoire matérielle de ce monument est hautement politique. Elle révèle en creux les enjeux de la colonisation puis de la décolonisation de l’Algérie et permet de retracer symboliquement l’évolution des relations entre la France et l’Algérie depuis près d’un siècle et demi. En remettant en lumière l’histoire du sergent Blandan, l’accrochage du musée des Beaux-Arts aspire à faire mieux connaître cette part d’histoire coloniale entre France et Algérie. Il s’agit également de rendre plus lisible cette facette du patrimoine nancéien dont les fonds du musée des Beaux-Arts, du palais des ducs de Lorraine – Musée lorrain, des archives et des bibliothèques municipales témoignent.
Récits postcoloniaux. Sur les traces du sergent Blandan est le fruit d’un projet pédagogique mené avec une classe de première du lycée Jeanne d’Arc de Nancy et Étienne Augris, professeur d’histoire-géographie. Tout au long de l’année scolaire, ces lycéens ont étudié les traces du passé colonial à Nancy, grâce à un travail de recherche effectué avec l’appui du musée des Beaux-Arts, du palais des ducs de Lorraine – musée Lorrain, des archives et des bibliothèques municipales. Associés à la conception de l’accrochage au musée, ils ont étudié le tableau de Théodore Devilly et le monument au sergent Blandan.
Enfin, ce projet s’articule à la réalisation d’un documentaire intitulé Le Fantôme du sergent Blandan par le réalisateur nancéien Malek Kellou. De manière autobiographique, il y raconte son histoire marquée, dans son enfance, par la guerre d’Algérie. De Boufarik à Nancy, le monument au sergent Blandan est pour Malek Kellou la manifestation de plusieurs mémoires, de la colonisation de l’Algérie au XIXe siècle jusqu’à la guerre puis l’indépendance. Malek Kellou a documenté le travail des lycéens sur cette histoire. Dans ce film, dont la sortie est prévue à la fin de l’année 2022, il fait aussi œuvre de transmission en montrant comment les jeunes générations questionnent ces faits historiques et mémoriels.
L’accrochage présenté au musée des Beaux-Arts témoigne de cette collaboration entre les musées nancéiens, les archives et bibliothèques municipales, le lycée Jeanne d’Arc et Malek Kellou. Les visiteurs y sont invités à découvrir ces différents récits d’une histoire franco-algérienne, tissée de mémoires complexes héritées de l’histoire coloniale.
Commissariat : Kenza-Marie Safraoui, conservatrice au palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain et Marion Pacot, chargée des collections XIXe-XXIe siècles du musée des Beaux-Arts de Nancy